«Rien autant que le banal ne peut être le support pour l’insolite» Henri Michaux,
....ETRANGE, parce qu’il nous confronte à des êtres imaginaires, soit issus des mythologies, soit sorties de ses rêves, spectres blancs aux poses hiératiques qui nous font face sans nous regarder et imposent la distance par la rugosité de leur masse qui n’invite pas tant au toucher qu’à la contemplation de ce qui constitue leur matière par agglomération. FAMILIER, parce que nous sommes, malgré tout, en territoire connu: c’est bien du plâtre, cette matière si présente dans notre quotidien, et c’est bien un treillis qui transparaît ça et là dans les sculptures; et ces figures si frontales et imposantes, avec la rudesse de leurs traits, nous rappellent les géants de nos kermesses et appellent en nous le sourire.
Car tel est bien l’art de John Bulteel, son génie: c’est à partir des choses les plus simples et banales qu’il crée un monde stupéfiant. En cela, il se distingue radicalement de cette tradition d’artistes qui travaillent les matières nobles (comme les bois précieux ou le marbre par exemple) et cherchent à maîtriser les techniques éprouvées au service d’un esprit contemporain: John Bulteel invente ses propres techniques artistiques à partir de substances sans prestige et c’est lui-même qui, par le travail, donne ses lettres de noblesse à un matériau bien ordinaire. Et tout autant, il tourne le dos à cette autre tendance de l’art, majoritairement présente aujourd’hui, qui délaisse le matériau pour s’intéresser au seul concept. Car John Bulteel reste un artisan, un virtuose du travail de la main, un amoureux des formes et des textures, un perfectionniste qui peut cent fois remettre sur le métier son ouvrage. Les matières qu’il affectionne sont celles des bâtisseurs: le plâtre.......
Myriam Watthee-Delmotte Chercheur qualifié du F.N.R.S.
Chargée de cours à l’UCL (Louvain-la-Neuve) Septembre 2004